Side Baby abandonne les sentiers battus de la trap basique pour s’élever au-delà de la culture des analgésiques. Son premier album solo, « Arturo », est une œuvre profondément personnelle où le rappeur romain enterre son alter ego maléfique, Dark Side, pour entamer un chemin de rédemption sociale et redécouvrir son véritable moi, Arturo Bruni.
Une ascension tumultueuse : Le succès, l’argent, les bijoux, les femmes… mais aussi les drogues, la solitude, la haine, la souffrance et la maladie. Avec son ancien crew, le Dark Polo Gang (DPG), Side Baby a tout connu. Ensemble, ils ont révolutionné le rap italien et sont considérés comme les précurseurs de la trap dans leur pays, aux côtés de Sfera Ebbasta. Initialement perçus comme des outsiders, ils ont finalement secoué l’establishment du rap. Malheureusement, les lauriers peuvent se transformer en épine pour certains.
Un retour douloureux : Après la sortie de « Sick Side » début 2018, une mixtape au titre évocateur, Side Baby sombre dans un mutisme complet. En réalité, il se bat contre ses troubles mentaux et entame une cure pour se soigner. Une fois sorti de l’hôpital, il quitte le DPG, ouvrant ainsi un nouveau chapitre de sa carrière. « Medicine » fait son apparition sur les plateformes de streaming, marquant à la fois le premier texte jamais écrit par l’artiste et le début d’Arturo Bruni. Près d’un an plus tard, le rappeur présente son premier album solo.
Une immersion dans le rap atmosphérique : « Arturo », sorti le 19 avril 2019, est un bain de vapeur dans le cloud rap. L’album, à l’image de sa pochette où Side Baby est enveloppé dans un fluide blanchâtre, évoque une ambiance envoûtante et captivante. Loin de la chaleur tropicale des thermes de Caracalla, le liquide pâle qui absorbe le rappeur est froid, tel les nuages flirtant avec les monts des Dolomites, glacial et menaçant comme des stalactites. The Night Skinny, aux commandes de la production, crée des instrumentales glaciales qui se marient parfaitement avec le flow nonchalant et engourdi de Side Baby.
Des rapports humains fades : Après avoir goûté au succès avec le DPG, Side Baby s’est brûlé les ailes et s’est retrouvé figé dans la froideur des hautes altitudes. Dans « Freddo », en collaboration avec Luchè, il raconte son ascension difficile. Seul, vêtu d’un hoodie serré autour de lui pour affronter les vents glacés du blizzard, il lutte pour avancer. Heureusement, les drogues qu’il conserve lui apportent un réconfort éphémère. Mais plus il grimpe, plus les engelures rongent sa peau, et plus sa consommation augmente. Peu à peu, ses pas s’effacent dans la neige profonde. Il ne progresse plus. Il s’efface. « Parli di me, ma non sai che ero congelato » (Tu parles de moi, mais tu ne sais pas que j’étais congelé), rappe-t-il dans « Ghiaccio ». Autour de lui, tout se fissure sous la pression du gel, et lui-même se cryogénise sous le poids de cette dépression.
Un retour à l’essentiel : Side Baby rêve de s’évader, de se réveiller au Japon, un endroit où il est inconnu, où il peut échapper à l’enivrement glacial et à la fadeur des couleurs qui l’entourent. Il se souvient d’avoir avalé deux pilules d’alprazolam pour s’endormir et réaliser ses rêves. Après une sortie hors du corps vertigineuse, il vogue dans un ciel azuré vers les îles du « Jappone », porté par une instrumentale stellaire de TNS. Les derniers vestiges de glace sur lui se trouvent dans ses grillz et ses bracelets diamantés. Pendant un court instant, les benzodiazépines lui permettent d’oublier ses problèmes d’identité.
Une renaissance artistique : Une fois l’effet de la drogue dissipé, celui qui avalait jusqu’à 60 cachets par jour retrouve sa Rome enneigée et son anxiété insupportable. Autour de lui, seules les « troie de gold digger » l’approchent lorsque tout semble aller mieux. Seul et déprimé, il réalise qui sont ses véritables amis, tels que Vision et Sick Luke. Le reste du DPG est trop occupé. « Sei morto se sbagli una mossa / Pronti per scavare una fossa » (Tu es mort si tu te trompes / Prêts à creuser une tombe), constate-t-il sur « Frecciarossa » en collaboration avec Gué Pequeno. Il se souvient également de sa jeunesse de voleur de Nike et de téléphones. Depuis, il a toujours respecté le code et le silence.
Une volonté de résilience : Comme Lil Peep dans « Beamer Boy », Side Baby déplore que les gens veuillent le voir brisé. Ils sont comme les enfants sautant sur une fine couche de glace recouvrant les flaques d’eau tôt le matin lors des premiers jours d’hiver. Le Romain ne veut pas finir raide et froid comme Peep. Pas tout de suite. Depuis « Medicine » et sa cure, il pisse sur les analgésiques. Bien qu’écoeuré par une partie de son entourage et préférant la solitude à une mauvaise compagnie, Side Baby ne souhaite pas mourir seul. Vêtu de noir pour faire le deuil d’une présence disparue qu’il regrette, il fait le choix d’avancer et de se concentrer sur ceux qui l’aiment et le comprennent. Il chérit ses frères, son quartier, Rome et sa mère, qui lui adresse des mots doux et chaleureux sur le magnifique morceau « Arturo », véritable apogée de l’album et de l’ascension périlleuse de Side. « Sei arrivato finalmenteà la fine di questo lungo viaggio » (Tu es enfin arrivé à la fin de ce long voyage), déclare la mère de Side Baby.
Side Baby transcende la douleur à travers son premier album solo, « Arturo », où il se libère de son alter ego Dark Side pour embrasser sa rédemption sociale en tant qu’Arturo Bruni. Son parcours tumultueux, marqué par le succès, les drogues et la solitude, est métaphoriquement représenté par des paysages glaciaux et des sommets enneigés. Malgré les épreuves, Side Baby choisit de se recentrer sur ses véritables amis et de se réconcilier avec son identité. Avec des paroles poignantes et une production atmosphérique, il explore son cheminement personnel, faisant face à ses démons et cherchant à retrouver la paix intérieure. « Arturo » marque ainsi une renaissance artistique pour Side Baby, lui permettant de transcender ses douleurs pour renaitre sous une nouvelle lumière.